Vivement la mutation de l'hôpital .
L'hôpital moderne est remarquablement efficace dans l'acte intellectuel
du diagnostic. Il explore et traite bien les pathologies d'organes, surtout
les mono-pathologies ; mais il est facilement inadapté aux malades fragiles
et aux maladies chroniques : pour exemple, il admet encore, le mécanisme du
"dégagement", c'est-à-dire l'évacuation forcée du malade dès qu'un schéma
thérapeutique a été dessiné ; or on sait combien les protocoles standards
doivent être testés, ajustés et combien changer inopportunément d'équipe
est peu thérapeutique. C'est le "b.a. ba" de la gériatrie
Autre remarque, peut-être mineure et parfois injuste ; l'hôpital, le grand
hôpital surtout, ne sait pas faire l'hôtellerie, ce n'est d'ailleurs pas son métier ;
affirmation trop rapide, mais que des générations de vieux ont expérimentée (une génération
hospitalière de vieux peut être sacrifiée en 3 ans).
Les services de spécialisations où l'on reste moins d'une semaine disposent de
chambres régulièrement repeintes, de téléphone, télévision, réfrigérateur, ordinateur,
parfois ; ceux où les vieux vont vivre des mois n'ont pas d'éclairage adapté, pas de
réfrigérateur, pas de literie confortable, quelquefois pas de sonnette accessible, etc...
On comprend que la clientèle âgée n'ait guère confiance en l'hôpital, mais on a conscience
que c'est un peu ce que cherche la communauté hospitalière : elle ne souhaite pas recevoir
de malades "trop lourds". L'établissement le mieux équipé ne serait pas destiné aux
malades les plus graves, il manque de personnel et parfois de qualification ;
qui en a ? Il analyse la clientèle par le PMSI, outil ancien, auquel nous avions cru,
mais au prix d'une adaptation gérontologique qui ne vient pas.
Vivement la mutation.
L'hôpital de gériatrie organisé autour d'un service de gérontologie aiguë avec
soins de suite et soins de longue durée est un progrès certain ; mais surtout vis-à-vis
de l'hospice et de la maison de retraite hospitalière... En effet, il sert surtout au
"dégagement" des services de porte ; on ne lui a pas reconnu la nécessité d'avoir en son
sein de vrais lits de rééducation gérontologique - un comble - et on est en train de
contester la notion même d'hospitalo-requérence au long cours.
La mutation fondamentale est l'installation, à tous les niveaux de tous
les hôpitaux, d'une discipline gérontologique hospitalière d'enseignement, de recherche,
de référence, de proximité, de réseaux, avec un accès immédiat du malade au plateau
technique (imagerie, et médecine interventionnelle essentiellement).
Cette gérontologie hospitalière ne revendique pas tous les patients de
plus de 75 ou 80 ans : la fragilité, la poly-pathologie, la démence débutante
et avérée, la réadaptation, la psycho-gériatrie, la guidance familiale et sociale,
la fin de vie suffiront largement à l'alimenter.
Mais il faudra résoudre quelques quadratures de cercles.
- Aller contre l'idée reçue actuelle que prendre en soins et en charge
le handicap sont l'Alpha et l'Omega de la gériatrie.
- Admettre que les soignants gériatriques utilisent une technique
beaucoup plus complexe et subtile que certains de leurs collègues échographistes,
instrumentistes, assistants opératoires ou post-opératoires et autres ; comme
tout s'évalue à l'hôpital, il faudra peut-être réévaluer leurs salaires.
- Et puis est-il possible que les mêmes hommes, infirmiers et médecins,
interviennent sur le même front de l'urgence gériatrique et soient aussi présents
au suivi désespérant du déclin ou aux complications "chroniquement aiguës" des
soins de longue durée ?
- Et encore, comment ne pas faire porter tout l'héroïsme hospitalier
aux aides-soignantes, aux familles, aux bénévoles qui sont en quelque sorte
des troupes fraîches et lucides de la gériatrie hospitalière ?
Mutations, mutations...
Docteur Yves DELOMIER
2e Vice-président du Coderpa de la Loire
|