Vieillissement neurosensoriel
La pathologie neurosensorielle est, avec l'hypertension et l'arthrose, le problème
de santé le plus fréquemment identifié dans les études épidémiologiques chez les plus
de 60 ans.
Celle-ci correspond à l'ensemble des fonctions perspectives qui permettent l'analyse
des informations apportées par son environnement et l'élaboration d'une réponse
adaptée. Pour autant, elle n'a que peu bénéficié des avancées thérapeutiques
ces dernières années et c'est l'un des secteurs de la médecine, pourtant
source d'incapacité, qui est encore très mal connu. Dans un environnement
suréquipé en outils de communication, il apparaît paradoxal de voir le peu
d'attention porté par la communauté scientifique et médicale à la préservation
des outils fournis par "dame nature".
Depuis longtemps, nous savons que les organes des sens vieillissent : la vue,
l'ouïe, la proprioception, le goût et l'odorat. Par exemple, le vieillissement
du cristallin de l'oeil est reconnu comme l'un des marqueurs du vieillissement
et la cataracte la pathologie la mieux connue et traitée. Mais que dire, de la
dégénérescence maculaire sénile liée à l'âge dont la fréquence ne cesse de
croître et dont les possibilités thérapeutiques demeurent incertaines, de
la prise en charge de la perte d'audition et de ses aides techniques, des
troubles de l'équilibre et de leurs implications dans les chutes et
l'accidentologie, des troubles du goût et de l'odorat dans l'équilibre
nutritionnel des personnes vieillissantes. S'il n'est pas possible de prévenir
fondamentalement le vieillissement neurosensoriel car il est physiologique,
nous savons qu'il est possible de prévenir les conséquences pathologiques de
la diminution de performance des organes des sens encore appelée désafférentation.
Cela passe par l'optimisation de la fonction en supprimant les facteurs aggravants,
en corrigeant les déséquilibres nutritionnels et surtout en favorisant son utilisation
par une activité physique adaptée. Le dépistage des troubles neurosensoriels constitue
aujourd'hui le moyen le plus efficace de prévenir le vieillissement neurosensoriel
pathologique. L'examen de la vue par un ophtalmologue, de l'audition par un ORL,
l'examen de l'équilibre et de la marche par le médecin traitant constituent la base
de cette prévention.
Que pouvons nous aujourd'hui attendre de la recherche dans ce domaine ?
Dans l'état actuel de nos connaissances, sans doute, aucun médicament miracle mais une
meilleure compréhension des mécanismes intimes de la désafférentation neurosensorielle.
Les protecteurs vasculaires, les antioxydants, les neurotropes, les nouvelles molécules
contribueront à préserver la viabilité des organes des sens et les techniques de réadaptation
participeront sans doute au maintien des aptitudes. Au delà des thérapeutiques, la pathologie
neurosensorielle devrait trouver un regain d'intérêt auprès de la communauté médicale et
scientifique compte tenu de son impact en terme de santé publique. Les techniques de
compensation du handicap vont naturellement progresser avec le développement des nouvelles
technologies dans l'appareillage. La société elle-même devra tenir compte des risques
sanitaires liés à l'isolement relationnel que provoque cette pathologie car nous savons
qu'elle constitue l'un des facteurs de la fragilité individuelle et des désordres
psychologiques et cognitifs.
La stimulation environnementale, la communication et la préservation du lien social
chez les personnes vieillissantes constituent ainsi naturellement un axe fort de la prévention
primaire du vieillissement neurosensoriel, et c'est bien l'affaire de tous.
Dr P. COUTURIER
Médecine communautaire
CHU - Grenoble
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