De la perte des sens à la perte de sens
De la perte des sens à la perte de sens ? Ce jeu de mots a priori facile, est certainement plus
pertinent que ne le laisse supposer son apparente facilité.
Les sens nous relient aux autres, ils nous permettent de nous situer dans l'espace. J'évoquerai
plus particulièrement le toucher, premier et dernier sens à être sollicité dès la naissance et jusqu'à
la mort. Comme l'écrit J.L. Taylor "le toucher est le sens le plus important de notre corps (...).
Il nous donne la notion de la profondeur, de l'épaisseur, des formes".
Je citerai également ce poème de Lucrèce :
"Car le toucher
Dieux puissants, le toucher
C'est le sens du corps tout entier :
Par lui pénètrent en nous les impressions
Par lui se révèle toute souffrance intérieure de l'organisme
Ou bien, au contraire, le plaisir provoqué par l'acte fécondant de Vénus".
Aussi l'apparition d'un déficit sensoriel chez une personne entraîne-t-il une profonde modification de
sa relation au monde extérieur.
Quand nos rapports au monde sont menacés c'est tout notre univers qui vacille ; il y a mise en
danger et fragilisation. Le repli sur soi, l'isolement et la souffrance favorisent un sentiment
de perte de sens de la vie car nous sommes des êtres de relation.
Il y a alors nécessité d'un travail de compensation, de réaménagement, de réélaboration pour
retrouver un sens à sa propre existence.
En complément de l'apport des appareillages et des prothèses, l'entourage de la personne, de même
que les professionnels aidants ou soignants vont contribuer à redonner du sens. Comme l'écrit
Léon Basset :"Je sais pourquoi, peu à peu se retirent les facultés de voir ou d'entendre au crépuscule
de la vie. C'est le cœur qui prend le relais. Les apparences n'ont plus d'importance, seul le cœur voit
et écoute l'être profond que l'on rencontre".
Marie-Jo GUISSET
Responsable du programme personnes âgées
Fondation de France
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