Les personnes âgées représentent une proportion de plus en plus importante de la population
des pays développés. Elles vivent en bonne santé plus longtemps, elles bénéficient d'un niveau
de vie élevé et veulent bien vivre leur retraite. Un des reflets de cette volonté de vivre des
retraités est la mobilité. Corrélée à l'amélioration de la santé et à l'augmentation du niveau
socio-culturel, elle est spécifique eu égard au temps libre dont bénéficient les retraités.
L'augmentation des déplacements liés au tourisme ainsi que l'effet de génération qui a pour
conséquence un accroissement de l'utilisation de la voiture sont deux aspects les plus " connus "
de cette mobilité.
Moins visible mais tout aussi important socialement, nous aborderons dans cet article la mobilité
des piétons âgés dans la ville. Cette mobilité renvoie à deux réflexions : la première sur les
caractéristiques de la marche des personnes âgées et la deuxième sur l'évolution de la ville.
La marche des personnes âgées
Rester en mouvement, physiquement et intérieurement, est essentiel pour la personne âgée et la
marche est, en quelque sorte, le mouvement par excellence. Cette façon de se déplacer prend de
l'importance chez les personnes âgées tout comme l'utilisation des transports en commun. Alors
qu'une personne de 25 ans choisit la marche à pied pour environ 20% de ses déplacements, une
personne de plus de 65 ans le fait pour plus de 40 % d'entre eux. En tenant compte du nombre
total de ses trajets, la marche à pied est le moyen de transport le plus important pour cette
classe d'âge. De nombreuses recherches confirment l'importance prise par le domicile et le quartier
dans la vie quotidienne à l'âge de la retraite. Même parmi les personnes les plus âgées, les petits
déplacements sont fréquents car indispensables à la vie quotidienne et réalisables par les plus
démunies en moyens de déplacements.
On démontre qu'il existe une influence évidente de la structure urbaine sur le choix des moyens de
circulation " même " chez les personnes âgées. La marche à pied est favorisée par le fait d'habiter
près d'un centre-ville dense, avec de nombreuses possibilités d'approvisionnement proches. Seuls
des problèmes graves peuvent aboutir à une modification de ces trajets. La mobilité à l'intérieur
d'un quartier répond en principe à d'autres lois que la mobilité à l'extérieur du quartier.
La qualité de la marche des personnes âgées
Les difficultés de la marche à pied dans la ville concernent la "marche à petits pas",
trouble commun de la sénescence, la peur de la perte d'équilibre et de la chute. Pour ces
dysfonctionnements, la limite de 65 ans habituellement utilisée dans les études sur les
retraités n'a pas grand sens. On montre une évolution en terme " d'habitus " de la ville
et de type d'accidents de circulation à partir de 75 ans.
Cependant, les rapports au temps et à l'espace des personnes âgées ne sont pas exclusivement
liés aux vieillissements organiques, physiologiques ou cognitifs mais répondent aussi aux
contraintes physiques de la ville, à ses dimensions symboliques... Des études montrent que
les critères d'appréciation du quartier sont liés plus aux relations sociales qu'aux aspects
fonctionnels. Sociabilité et proximité de vie de quartier dépendent du cadre de vie.
L'aménagement urbain est alors un thème de réflexion pour l'amélioration des conditions
de vie des personnes âgées particulièrement dans les domaines de la mobilité.
Une évolution dans l'aménagement des villes ?
Une proportion de personnes âgées reste cantonnée chez elle par le fait que l'environnement
est adapté exclusivement aux adultes en pleine forme. Sur les routes, elles rencontrent les
dangers du trafic, le manque de confort, l'insécurité sociale. Plus globalement, elles ont
des difficultés dans un urbanisme fonctionnaliste qui sépare les activités par le "zoning".
L'automobile ayant permis une grande dispersion dans l'espace, certains urbanistes préconisent
un retour à l'urbanisme traditionnel à la mesure du piéton où l'exigence de mobilité doit être
remplacé par celle d'accessibilité.
Comment doit-on réagir à l'étalement des villes ?
Faut-il considérer comme inéluctable cette diffusion de l'habitat et des services ou la refuser
et prôner le rétablissement d'une certaine proximité ? La première hypothèse oblige à une
réflexion sur le vieillissement démographique des quartiers excentrés et des banlieues et
sur les modalités de la mobilité des personnes. Des solutions peuvent alors être proposées
par l'adaptation des moyens de transports. La deuxième hypothèse refuse la dispersion urbaine
et a pour objectif de rétablir la proximité. L'urbanisme de proximité est basé sur l'écomotricité
(marche, vélo, transports en commun) et le renouveau des espaces publics au plan local, en
s'insérant notamment dans les notions de villes polycentrales.
Pour un Plan de Déplacements Urbains
Au-delà de l'aspect philosophique sur l'avenir de la ville, certaines lois d'aménagement ont
pour objet de contenir l'urbanisation et d'améliorer le cadre de vie : Loi sur l'air (LAURE)
en 1996, loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) en 2000. Elles obligent les grandes
villes a élaborer un Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui a pour objectif de promouvoir
une politique globale en matière de déplacements au sein des agglomérations, c'est-à-dire
un usage coordonné de tous les modes de déplacements - transports collectifs, voiture,
vélo, marche à pied - prenant en compte d'une manière équilibrée les objectifs de mobilité,
de sécurité et de développement durable. Dans les PDU, une attention particulière est portée
à la protection des modes doux. On remarque dans les villes qui ont élaboré un Plan de
Déplacements Urbains un souci de faciliter la ville aux personnes à mobilité réduite :
personnes âgées, handicapés, personnes avec une poussette… Ces aménagements sont de type
rues piétonnes, semi-piétonnes, zone 30.
L'aménagement urbain doit tenir compte de l'évolution du vieillissement de la population et
intégrer les caractéristiques et les besoins de cette population vieillissante. Ce souci
est particulièrement justifié dans le domaine de l'aménagement des espaces de circulation,
sachant que les personnes âgées ont un rapport spécifique à la mobilité et aux risques dans
la circulation : besoins particuliers, augmentation de leur fragilité corporelle, diminution
des capacités et des performances motrices et sensorielles. Une réflexion sur la qualité
urbaine qui doit profiter à tous.
Joël Yerpez
Ingénieur, Docteur en urbanisme Chercheur à l'Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS)
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