IGD N°39 : Les déplacements des personnes âgées

Les piétons âgés en ville



Les personnes âgées représentent une proportion de plus en plus importante de la population des pays développés. Elles vivent en bonne santé plus longtemps, elles bénéficient d'un niveau de vie élevé et veulent bien vivre leur retraite. Un des reflets de cette volonté de vivre des retraités est la mobilité. Corrélée à l'amélioration de la santé et à l'augmentation du niveau socio-culturel, elle est spécifique eu égard au temps libre dont bénéficient les retraités. L'augmentation des déplacements liés au tourisme ainsi que l'effet de génération qui a pour conséquence un accroissement de l'utilisation de la voiture sont deux aspects les plus " connus " de cette mobilité. Moins visible mais tout aussi important socialement, nous aborderons dans cet article la mobilité des piétons âgés dans la ville. Cette mobilité renvoie à deux réflexions : la première sur les caractéristiques de la marche des personnes âgées et la deuxième sur l'évolution de la ville.

La marche des personnes âgées

Rester en mouvement, physiquement et intérieurement, est essentiel pour la personne âgée et la marche est, en quelque sorte, le mouvement par excellence. Cette façon de se déplacer prend de l'importance chez les personnes âgées tout comme l'utilisation des transports en commun. Alors qu'une personne de 25 ans choisit la marche à pied pour environ 20% de ses déplacements, une personne de plus de 65 ans le fait pour plus de 40 % d'entre eux. En tenant compte du nombre total de ses trajets, la marche à pied est le moyen de transport le plus important pour cette classe d'âge. De nombreuses recherches confirment l'importance prise par le domicile et le quartier dans la vie quotidienne à l'âge de la retraite. Même parmi les personnes les plus âgées, les petits déplacements sont fréquents car indispensables à la vie quotidienne et réalisables par les plus démunies en moyens de déplacements.

On démontre qu'il existe une influence évidente de la structure urbaine sur le choix des moyens de circulation " même " chez les personnes âgées. La marche à pied est favorisée par le fait d'habiter près d'un centre-ville dense, avec de nombreuses possibilités d'approvisionnement proches. Seuls des problèmes graves peuvent aboutir à une modification de ces trajets. La mobilité à l'intérieur d'un quartier répond en principe à d'autres lois que la mobilité à l'extérieur du quartier.

La qualité de la marche des personnes âgées

Les difficultés de la marche à pied dans la ville concernent la "marche à petits pas", trouble commun de la sénescence, la peur de la perte d'équilibre et de la chute. Pour ces dysfonctionnements, la limite de 65 ans habituellement utilisée dans les études sur les retraités n'a pas grand sens. On montre une évolution en terme " d'habitus " de la ville et de type d'accidents de circulation à partir de 75 ans.
Cependant, les rapports au temps et à l'espace des personnes âgées ne sont pas exclusivement liés aux vieillissements organiques, physiologiques ou cognitifs mais répondent aussi aux contraintes physiques de la ville, à ses dimensions symboliques... Des études montrent que les critères d'appréciation du quartier sont liés plus aux relations sociales qu'aux aspects fonctionnels. Sociabilité et proximité de vie de quartier dépendent du cadre de vie. L'aménagement urbain est alors un thème de réflexion pour l'amélioration des conditions de vie des personnes âgées particulièrement dans les domaines de la mobilité. Une évolution dans l'aménagement des villes ?

Une proportion de personnes âgées reste cantonnée chez elle par le fait que l'environnement est adapté exclusivement aux adultes en pleine forme. Sur les routes, elles rencontrent les dangers du trafic, le manque de confort, l'insécurité sociale. Plus globalement, elles ont des difficultés dans un urbanisme fonctionnaliste qui sépare les activités par le "zoning". L'automobile ayant permis une grande dispersion dans l'espace, certains urbanistes préconisent un retour à l'urbanisme traditionnel à la mesure du piéton où l'exigence de mobilité doit être remplacé par celle d'accessibilité.

Comment doit-on réagir à l'étalement des villes ?

Faut-il considérer comme inéluctable cette diffusion de l'habitat et des services ou la refuser et prôner le rétablissement d'une certaine proximité ? La première hypothèse oblige à une réflexion sur le vieillissement démographique des quartiers excentrés et des banlieues et sur les modalités de la mobilité des personnes. Des solutions peuvent alors être proposées par l'adaptation des moyens de transports. La deuxième hypothèse refuse la dispersion urbaine et a pour objectif de rétablir la proximité. L'urbanisme de proximité est basé sur l'écomotricité (marche, vélo, transports en commun) et le renouveau des espaces publics au plan local, en s'insérant notamment dans les notions de villes polycentrales.

Pour un Plan de Déplacements Urbains

Au-delà de l'aspect philosophique sur l'avenir de la ville, certaines lois d'aménagement ont pour objet de contenir l'urbanisation et d'améliorer le cadre de vie : Loi sur l'air (LAURE) en 1996, loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) en 2000. Elles obligent les grandes villes a élaborer un Plan de Déplacements Urbains (PDU) qui a pour objectif de promouvoir une politique globale en matière de déplacements au sein des agglomérations, c'est-à-dire un usage coordonné de tous les modes de déplacements - transports collectifs, voiture, vélo, marche à pied - prenant en compte d'une manière équilibrée les objectifs de mobilité, de sécurité et de développement durable. Dans les PDU, une attention particulière est portée à la protection des modes doux. On remarque dans les villes qui ont élaboré un Plan de Déplacements Urbains un souci de faciliter la ville aux personnes à mobilité réduite : personnes âgées, handicapés, personnes avec une poussette… Ces aménagements sont de type rues piétonnes, semi-piétonnes, zone 30.

L'aménagement urbain doit tenir compte de l'évolution du vieillissement de la population et intégrer les caractéristiques et les besoins de cette population vieillissante. Ce souci est particulièrement justifié dans le domaine de l'aménagement des espaces de circulation, sachant que les personnes âgées ont un rapport spécifique à la mobilité et aux risques dans la circulation : besoins particuliers, augmentation de leur fragilité corporelle, diminution des capacités et des performances motrices et sensorielles. Une réflexion sur la qualité urbaine qui doit profiter à tous.

Joël Yerpez
Ingénieur, Docteur en urbanisme
Chercheur à l'Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS)

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