L'avenir des unités de soins de longue durée
Sous les effets de réforme en cours de la tarification des établissements pour
personnes âgées, les missions des longs séjours (appelés maintenant unités de soins
de longue durée) vont être redéfinies après 25 ans de "bons et loyaux" services.
En effet, une harmonisation des conditions d'accueil de soins pour les
sujets âgés malades et handicapés paraît souhaitable quel que soit leur lieu
d'hébergement
Or, dans l'ancien système, il existait parfois dans des sections de cure médicale
de maisons de retraite, des patients ayant besoin d'une surveillance médicale constante
avec un handicap lourd alors que dans certains longs séjours hospitaliers, on rencontrait
des patients admis pour des raisons de proximité géographique de la famille, ne nécessitant
qu'une simple surveillance médicale.
Cependant, la réforme qui se veut un progrès dans l'équité n'est pas sans danger.
Elle risque de réduire les moyens médicaux et soignants disponibles
(suite à des péréquations entre établissements) pour les "vrais services
de soins prolongés", c'est-à-dire les services de recours qui soignent des
pathologies cliniques très invalidantes et pour des personnes lourdement
handicapées notamment sur le plan mental. Il ne faut pas oublier qu'actuellement
des familles sollicitant un hébergement pour un parent handicapé âgé sont souvent
confrontées à des refus car leur parent est "trop malade" et "trop lourd" à soigner :
avec la réforme ce phénomène risque de s'accentuer. Ne faut-il pas, pour préserver
l'avenir, dire qu'il existe des personnes âgées hospito-requérantes, très fragiles,
chroniquement aiguës, nécessitant des soins réguliers et importants qui devraient
continuer à bénéficier d'une tarification de type sanitaire voire exclusivement
sanitaire (prise en charge à 100 % comme le sont les adultes jeunes lourdement
handicapés) ?
Elle risque en second lieu d'être, à handicap égal, inégalitaire sur le plan financier.
En effet, le prix demandé aux familles pour l'hébergement de leur parent dans une unité de
soins de longue durée dépendra du niveau de dépendance ; ainsi plus le patient âgé sera handicapé,
plus le prix de journée demandé sera élevé. La fixation du prix de journée paraît facile et non
litigieuse pour un sujet ayant un handicap stable, consolidé, notamment après un accident, à
condition qu'on sollicite un expert qui a l'habitude d'évaluer la dépendance.
Malheureusement au grand âge l'instabilité de l'état de santé est très fréquente
et les capacités fonctionnelles résiduelles varient beaucoup dans le temps. La perte
d'autonomie deviendra plus difficile à évaluer. Des écarts apparaîtront lorsqu'un
patient aura bénéficié ou non d'un moyen séjour avant d'entrer dans une unité de
soins de longue durée, selon le moment de l'évaluation par rapport à un épisode
aigu, ou encore selon les évaluations et selon le lieu de l'évaluation faite à
domicile ou dans un service d'hospitalisation. Ainsi, pour un degré de handicap
quasi équivalent, deux personnes devront supporter des tarifications extrêmement
différentes.
C'est pourquoi l'avenir des unités de soins de longue durée n'est pas sans risque.
Il doit susciter non seulement des débats argumentés et constructifs, mais également
une implication plus évidente des soignants qui sont, au quotidien, les plus proches
des malades âgés.
Professeur Régis Gonthier
Hôpital de la Charité - Saint-Etienne
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