La part de Dieu
En avançant en âge, l'être humain laisse advenir en lui la question lancinante
du sens de son existence. Par sa mémoire, il se "re-cueille", et des pans entiers
de sa vie, qu'il croyait définitivement oubliés, surgissent sous un jour nouveau.
La question de Dieu par exemple !
L'homme, qu'il ait ou non adhéré à une religion, qu'il se sente croyant ou athée, c'est comme
s'il devait se "repositionner" à nouveau. Autour de lui, il observe des pratiques variées.
Ses voisins de palier, justement : ils viennent de fêter leurs noces d'or. Ils sont retournés
dans l'église de leur mariage, main dans la main, radieux ! Il faut dire que, depuis toujours,
Dieu prend part à ces deux vies !
Enfant, elle, s'était construit un petit coin-prière avec une statue de Marie déjà vieillie.
Elle le fleurissait et déposait là ses secrets. La vie a mûri la petite fille, mais toujours
elle avait gardé cette intime proximité avec Celui qui prenait si pleinement part à son existence.
Aujourd'hui encore, elle récite ces formules de son enfance, des litanies ou chapelets devenus une
vraie prière du cœur. Elle fleurit crucifix ou icônes, porte des médailles, lit des vies de saints,
des témoignages édifiants...
Et son mari partage cela avec elle. Oh, différemment, certes, mais toujours dans la complicité
de ceux qui aiment et se savent aimés. Lui a toujours rendu service, déjà comme enfant de chœur,
puis comme adulte, à la mesure de son temps libre. Sa prière a connu des hauts et des bas.
Aujourd'hui, elle est de l'ordre d'une assurance ferme et aimante.
Avec la retraite, tous deux ont gagné en disponibilité ou plutôt en occupations choisies.
Ils ont rejoint d'autres personnes du même âge. Mais en toutes ces occupations demeure la
part de Dieu : cette part sans mesure qui illumine et donne sens à toutes les autres parts...
Dieu, pour eux, c'est le Seigneur qu'ils célèbrent dans l'Eucharistie, le chapelet,
les processions de Fête-Dieu ou les pélerinages... C'est le compagnon qui les
accueille pour la messe du dimanche et ensuite invite au bavardage gratuit sur
la place publique ou l'apéritif de terrasse. C'est l'ami qu'ils racontent à
leurs petits-enfants. C'est le médiateur en qui ils retrouvent les amis décédés,
le soutien qui accompagnent les visites au cimetière, le fidèle qui s'engage à
leurs côtés, le familier invité aux noces d'or. C'est l'homme présent en tout homme,
et spécialement en ces frères et sœurs pour qui l'on se fait inventif : combien de
personnes âgées tricotent, crochètent, bricolent, assurent des permanences... au nom
de leur foi en Dieu et en l'homme indissociablement ?
Mille gestes, dans toutes les grandes religions, disent la part de Dieu dans l'existence
humaine ! Un héritage où chacun puise les pratiques susceptibles de conférer sens à son
existence personnelle.
Professeur Marie-Jo Thiel
Faculté de théologie catholique, Université de Strasbourg.
Auteur de : "Avancer en vie. Le 3e âge".
Desclée De Brouwer, Paris, rééd. 1998.
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