Il faut considérer d'emblée, en guise d'introduction au thème, l'universalité du phénomène
maison, compris non pas comme abri construit mais comme espace organisé, vécu et
symboliquement marqué.
Du point de vue de la problématique qui nous intéresse ici et pour mémoire,
on se remémorera que depuis les années quatre-vingts la politique d'action
sociale vieillesse se réorganise autour des problèmes liés à la dépendance :
on vit de plus en plus vieux, mais pas forcément en bonne santé.
Cette politique se développe autour d'une alternative : l'hébergement en structure
collective (maison de retraite médicalisée ou non, publique ou privée, long séjour
hospitalier, ...), ou le maintien à domicile, qui nécessite un ensemble de services
(aide à la vie quotidienne, coordination, soutien aux aidants familiaux) et qui
concerne plus des trois quarts des personnes très dépendantes, c'est-à-dire confinées
au lit ou au fauteuil.
Dans une telle perspective, le maintien à domicile repose, rappelons-le,
sur la conjugaison de trois facteurs qui font de l'habitat le point central
de la vie sociale à savoir :
- un domicile adapté,
- un ensemble de services coordonnés,
- le maintien d'une vie sociale, l'activation et le soutien des réseaux informels d'aide.
Aussi, nous faut-il mettre en exergue ici que la maison tout entière
est passible d'une lecture symbolique des représentations sociales que
la société se fait d'elle-même et que par là même, pour chacun d'entre
nous, le domicile constitue le lieu privilégié de notre développement
psycho-social, la place où nous mettons en œuvre les mécanismes de récupération
des forces vives de notre être ; ceci pour mieux repartir à l'assaut du monde
extérieur, au petit matin de chacun des jours de notre vie.
En ce sens, on soulignera que le domicile est avant tout la conjonction de
deux pôles identitaires, à savoir qu'il est en premier lieu un repaire au
sens du repaire du renard, l'endroit où l'on se réfugie après avoir subi
les assauts de la vie quotidienne, voire les mille et une petites agressions
du monde extérieur à une intimité généralement protectrice.
C'est le lieu de l'en-soi, du repos, là où nous ne sommes théoriquement plus en
représentation de nous-même, ni acteur, ni spectateur.
Mais le domicile est également le lieu où nous avons nos repères identitaires et
avec l'avancée en âge, le lieu où nous voyons, cotoyons ces objets qui ont rythmé
notre vie et constituent autant de traces de notre cheminement individuel et ou
familial quand il ne s'agit pas des deux.
Toutefois, avec l'avancée en âge, cette maison, ce refuge, peut être devenu
inadapté à nos besoins, trop grand, inadéquat aux nouvelles nécessités, voire
aux capacités du moment.
Le besoin se fait alors sentir de reconquérir cet espace ou de le quitter pour
mieux s'assurer un devenir sous certains aspects aléatoires. Dans cette perspective,
et bien que le souhait de la majorité d'entre nous soit de rester chez soi, de vieillir
chez soi le plus longtemps possible, la solution de l'hébergement collectif peut apparaître
la plus appropriée à un moment donné.
Elle ne pourra cependant se faire que si ce dernier
prend la forme, encore peu fréquente, d'une transposition du "chez soi" originel offrant
de nouveaux repères et d'autres raisons d'espérer dans un avenir empreint de satisfactions
et de bien-être en devenir.
Philippe PITAUD
Professeur à l'Université de Provence
Directeur de l'Institut de Gérontologie Sociale
IGD N° 33 ~ Date de parution : 1er Trimestre 2001
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