Mettre les gens âgés et leurs proches au coeur de cette démarche, définir une nouvelle
conception du travail auprès d'eux et participer ainsi à la construction d'une identité pour les
établissements suppose que l'ensemble des personnes concernées y soient associées.
Les projets de vie ne peuvent être réduits à des projets de soin, d'animation, ou encore à des
projets de services, même s'ils sont construits par l'ensemble des professionnels d'un
établissement.
Quels professionnels, aussi compétents soient-ils et même réunis dans un esprit de concertation
et de pluridisciplinarité, pourraient prétendre savoir à priori ce qui est souhaitable pour la vie des
vieux qu'ils accueillent ?
A l'heure d'une recherche de la qualité des services pour une certaine qualité
de vie de ces mêmes vieux, qui pourrait définir à leur place ce qui fait
l'essentiel de leur vie ?
Cette nécessité de partir de la parole, des expressions plus ou moins formulées des attentes des
personnes et de leurs proches, peut sembler utopique eu égard aux difficultés de communication
et à la dépendance psychique des personnes.
L'argument est souvent évoqué par les responsables qui ne pensent pas possible ou pas
souhaitable d'associer les vieux à cette démarche.
S'il est vrai que cette participation et ce recueil de la parole des personnes sont difficiles, ne
faudrait-il pas en conclure avant tout que nous manquons souvent de compétence, de savoir-être
et d'outils, et que cette difficulté est avant tout celle des professionnels et non celle des vieux
eux-mêmes.
L'un des enjeux actuels posé par le vieillissement et la dépendance aux établissements est bien
celui-là : comment apprendre à écouter, à observer les rythmes, les souhaits, les désirs de ceux
qui ne les expriment plus avec des mots ?
Les directions hésitent encore à donner la parole aux familles, craignant des revendications
stériles. Il est vrai que le fonctionnement souvent difficile des conseils d'établissement,ne laisse
pas augurer de possibles réflexions de fond.
Cependant là encore, la manière d'alimenter le questionnnement et la réflexion est pour bonne
part responsable de la qualité de ce qui est échangé.
La pratique de conduite de réunions de familles menées par des consultants met au jour les
préoccupations fondamentales de celles-ci quant à l'avenir de leur parent au sein des structures,
leurs questionnements quant au rôle qu'elles peuvent encore jouer de façon complémentaire avec
les équipes professionnelles, leur désespoir de voir le goût de vivre de leur parent s'éteindre.
Elles expriment également leur désarroi face aux décisions qui doivent être prises,
leur culpabilité d'avoir été amenées à décider, parfois seules, l'entrée de leur
parent en institution.
Elles se présentent ainsi, pour qui peut écouter, comme de possibles garants de la
continuité de vie de la personne hébergée, comme les derniers remparts contre
une prise en charge professionnelle qui a parfois tendance à considérer
l'individu âgé avec ses manques et ses défaillances actuelles et non
comme un être vivant en devenir, qui se trouve là, à un stade de son
évolution passée et future.
Il importe donc de les associer autant que possible aux démarches de projets de vie menées dans
les établissements.
Catherine GUCHER
Sociologue
Annie MOLLIER
Responsable de formation,
membre du réseau de consultants en gérontologie
Extrait de "Gestion Hospitalière"
|