D'hier à aujourd'hui : les projets en jeu
La nouvelle tarification, les conventions tripartites, et un discours ambiant
depuis quelques années font couler beaucoup d'encre sur le(s) projet(s).
Partis de définitions hasardeuses ou hésitantes, arrivés sur des
différences entre les termes "établissement", "institution", "vie",
"animation", et bien d'autres encore, nous en sommes toujours
à nous interroger, au-delà de la pertinence de ces distinctions,
pour trouver une véritable identité au projet et de ce fait à cerner
ses enjeux.
Exit les définitions formelles
Rendons hommage aux précurseurs du projet, Charlotte Memin et
Hélène Reboul, pour dire que
leurs conceptions, humaines s'il en est et assurément "modèles", sont aujourd'hui dépassées
(ou débordées) par des approches plus formalisées autour d'une méthode et d'enjeux qualitatifs.
Ainsi, depuis 1993 où nous avons proposé pour la première fois une méthode rédactionnelle du
projet, le chemin n'a cessé de progresser pour éliminer la notion même de "définition" du projet
au profit d'une inscription intuitive dans des principes qualitatifs énoncés dans le projet, eux-
mêmes devenant "définitions" par défaut. Paradoxe d'un projet qui se situe autour d'une
pratique et non plus d'une finalité ! Mais exit les définitions encombrantes, parlons des moyens
et des contenus, cernant à eux seuls les enjeux d'un projet.
Un projet gestionnaire`
Si d'emblée le projet de vie fut humain, concernant directement les personnes âgées, mais aussi
les personnels, familles et autres bénévoles, il ne fut cependant pas sans considérer l'aspect de
son coût. Ainsi appréhendé, il fut alors aisé pour ses détracteurs de lui opposer un soi-disant
irréalisme. Mais sans irréalisme, sommes-nous dans le projet ou dans la gestion du quotidien ?
Dès lors, nombreux furent ceux qui le lapidèrent au nom du sacro-saint prétexte de la rationalité
des coûts et de la gestion des résidences soudainement devenues des "entreprises comme les
autres". Pourtant, pour conserver son sens de projet, l'enjeu premier fut de le réinstaller dans sa
signification prévisionnelle, afin que le terme "qualité de vie" signifie autre chose qu'une
classification de critères à atteindre.
Un projet sociétal
Sociologiquement, la discussion ne fut pas moindre, car si le projet ne fut, en son temps,
compris que comme le mode nouveau d'une organisation de l'établissement, force a été de
reconnaître que la personne âgée étant le centre du projet, c'est bien son projet individuel, mais
confronté à la réalité de la collectivité, qu'il fallait traiter. Autrement dit, l'enjeu du projet
devenait bien celui d'une proposition d'un nouveau mode de vie "en société", au sein, plus
large, d'"une société" ayant des conceptions spécifiques de la personne âgée. Nous étions donc
bien au centre d'une polémique (constructive) de choix de société pour et avec la personne âgée,
demandant à tous les acteurs proches d'elle de réviser leurs conceptions de la vieillesse et les
images qu'elles en avaient, ou du moins de les "avouer". L'enjeu devint alors un véritable
bouleversement des conceptions anciennes.
Un projet leurre ou éthique : le véritable enjeu
Partant de là nous avons affaire actuellement à un projet de vie qui va au-delà de ce que les
initiateurs, dont nous avons fait partie, avaient pu imaginer ; il s'agit aujourd'hui, à travezrs sa
formalisation, d'une véritable révolution de la conception de l'Etre âgée dans notre société ...
Mais, autre paradoxe, ce projet, se doit d'être réalisé, faute de quoi la nouvelle tarification ne
sera accordée. On verra donc dans les prochains mois ce qui va l'emporter, entre éthique et
opportunisme, entre enjeu et leurre ... Affaire à suivre, la conscience et le professionnalisme
sont ici "en jeu" !
Richard Vercauteren
Sociologue, directeur du centre de recherche de l'Institut
pluridisciplinaire d'Etudes Sociales
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